Walking Dead et l’effondrement : comics, séries, jeux vidéo

« Les villes sont abandonnées, sales, pleines de zombies mais intactes. »

La question de l’effondrement écologique dans la fiction peut être entendue au sens strict, en incluant seulement des effondrements comprenant des causes écologiques, ou au sens large, ce qui revient à inclure dans la réflexion tous les types d’effondrements fictionnels. On imagine mal en effet un effondrement global, quelles que soient ses modalités, qui n’aurait pas, au moins, des conséquences écologiques. Même si l’on considère le cas d’une volatilisation pure et simple de l’espèce humaine, comme dans le film néo-zélandais Le dernier Survivant (The Quiet Earth, 1985) de Geoff Murphy ou la série franco-américano-britannique La Guerre des Mondes (War of the Worlds, 2019-2022), c’est-à-dire une absence de cause apparente, les conséquences écologiques surviennent obligatoirement dans le récit. Sans personnel humain, on s’attend à ce que les centrales nucléaires explosent, le système d’eau défaille, les stocks de nourriture pourrissent, les animaux pullulent, etc. Et si de tels événements ne se produisent pas, il en résulte un effet « robinsonnade » qui ne peut que se dissimuler derrière des questionnements métaphysiques ou de la prestidigitation narrative. On a donc des incendies, des épidémies, de la pollution, autant de problèmes qui ont soit un caractère, soit une résonnance écologique.

Walking Dead est typique d’un effondrement non-écologique. Le monde est envahi par les zombies à cause d’un virus dont la cause est inconnue. La bande dessinée originelle la dissimule et seul l’un des spin-off, World beyond, suggère une origine laborantine. Dans les premiers tomes du comic ou dans la première saison de la série, on note quelques arbres rachitiques qui semblent calcinés sans que l’on puisse vraiment savoir pourquoi étant donné qu’aucun incendie ne semble avoir détruit ce qui les entoure. Ils ont été placés autour des bâtiments pour renforcer une impression de désolation mais rien ne les lie explicitement à l’épidémie ou à un effondrement écologique qui en serait la conséquence. Dans les centres urbains, les égouts ne débordent pas, et les seules explosions semblent associées à des combats ou à des accidents. La forêt périphérique est intacte.

Past Delcourt

A part une vague atmosphère de désolation, il semble que (au moins dans les premiers épisodes) les conséquences écologiques directes d’un effondrement par zombification n’aient pas été pensées. C’est également visible dans le jeu vidéo de Telltale Games, puisque la première saison présente des caractéristiques similaires. Les villes sont abandonnées, sales, pleines de zombies mais intactes. L’ordre écologique ne s’effondre pas du fait de la disparition de l’ordre thermo-industriel et il ne se reconstitue pas non plus. Ce n’est pas le sujet. Il s’agit plutôt de regarder comment l’humanité des personnages évolue après la rupture.

Ainsi, on peut souligner l’existence d’une catégorie de fictions postapocalyptiques dont les implications écologiques sont inexistantes ou minimales en amont et en aval. Non seulement les causes de l’effondrement ne sont pas écologiques, mais les conséquences non plus, ou alors seulement pour des raisons esthétiques. Cette dissociation peut avoir pour origine une volonté d’éviter le sujet mais il s’agit le plus souvent d’une indifférence liée au fait que l’écologie n’était qu’une modalité du postapo parmi d’autres avant la prise de conscience politique qui est la nôtre aujourd’hui. Une approche statistique pourrait permettre d’en savoir plus.