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Métro 2033 : le bout du tunnel

“Les stations apparaissent et résonnent comme des notes de musique. Chacune a une saveur mais toutes ont la personnalité du métro, c’est-à-dire celle d’un espace liminal, souffreteux et rouillé.”

Une carte de métro est une carte odographique. Elle respecte les itinéraires mais pas les distances ou les proportions. Le but est d’indiquer comment aller d’un endroit à un autre puisque le reste ne dépend pas de l’usager. Le métro est l’univers du choix claustrophobe et du cheminement. Il est à la fois un bunker, une interface, un espace de travail, de loisirs, et, parfois, de sommeil. Il est un monde le plus souvent subi et qu’il s’agit d’organiser. Que se produirait-il si cet espace était radicalement imposé à tous pour des raisons de survie et pas pour des raisons d’emploi du temps ? La vie pourrait devenir odographique. C’est, en partie, le postulat de Métro 2033, la célèbre fiction écrite par Dmitri Glukhovski. Après une guerre nucléaire, les survivants moscovites se sont réfugiés dans le métro. Il ne s’agit plus d’y transiter, ni même d’y vivre, mais d’y survivre. Le personnage principal, Artyom, né peu avant la guerre nucléaire à l’origine du casse-tête, s’évertue à trouver sa voie dans le métro de Moscou afin de résoudre un problème qui le dépasse : des entités dangereuses que d’aucuns pourraient qualifier de surnaturelles ont été engendrées par le conflit. 

S’il ne s’agit pas d’une collapsofiction au sens écologique du terme, on retrouve clairement des points communs en ce qui concerne les implications quotidiennes de l’effondrement. Les déplacements, la nourriture, les divertissements, l’habitat, l’échange, tous les enjeux d’un mode de vie survivaliste sont présents dans ce roman. Celui-ci décrit à la fois un bunker, une quête initiatique et un voyage. Artyom voyage dans un bunker afin d’en savoir plus. Les stations apparaissent et résonnent comme des notes de musique. Chacune a une saveur mais toutes ont la personnalité du métro, c’est-à-dire celle d’un espace liminal, souffreteux et rouillé. 

Carte du métro de Moscou dans le roman Métro 2033
La carte du métro de Moscou dans le roman Métro 2033

La vie dans le métro est l’inverse existentiel du métro dans la vie. Il suffit de questionner une personne qui a le métro pour lieu de travail (comme certains marchands de fruits et légumes ou certains agents de sécurité) pour s’en apercevoir. L’inversion de cette inversion ressemblerait-elle à une vie décente ? Avoir essayé la dégradation planétaire permettra-t-il une prise de conscience ? Encore faudrait-il savoir si une telle vie peut s’organiser et sur quelles ruines. Le mieux aurait été de ne pas causer l’effondrement. Comment sortir du métro où la catastrophe nous a conduits ? Cela revient à se demander comment sortir de la catastrophe où le métro nous a menés. Le roman répond par la présence d’un ennemi commun, une nouvelle espèce. Mais le métro regorge déjà d’ennemis, de nombreuses factions ou d’états, dont certains sont peu engageants : néo-nazis, néo-soviétiques, esclavagistes, brigands, fanatiques. Aucun n’apporte de réponse. 

Artyom évolue dans le métro, Zazie aussi. Si le premier se bat, la seconde badine. Elle a le mérite d’avoir une réponse universelle. Nous y sommes en effet, dans cette mouise transitoire qui est aussi notre dernière station, à moins d’un miracle. La catastrophe écologique ne nous rattrape pas, nous avons choisi d’y aller. Nous avons choisi d’emprunter ce tunnel qui mène à la tombe. Pour en sortir il n’est nul besoin de trop s’interroger sur les distances ou les proportions mais plutôt sur les chemins. La carte odographique de Métro 2033 nous le dit. Nous n’avons peut-être pas encore raté l’ultime correspondance, celle qui nous fera nous diriger vers le haut. Et si nous l’avons ratée, le courage a une valeur en lui-même, celle du style, autant nous en doter. 

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