Les liens entre fictions postapocalyptiques et dystopies sont évidents et anciens. Il peut s’agir de dictatures consécutives à une crise écologique, comme dans Soleil vert, ou de situations écologiques problématiques créées de toutes pièces par un régime sans scrupule pour assoir son pouvoir, comme dans 1984. Cette question concerne d’abord les relations entre pénurie et pouvoir, mais aussi entre organisation et ressources. Le problème du « fascisme vert » ou de la « dictature verte », loin d’être seulement une figure de style, constitue une menace réelle. Plus les démocraties postmodernes mettent de temps à s’adapter à la crise écologique, plus l’adaptation devient violente, dictatoriale. Plus une dictature est prise dans ses contradictions, plus l’argument vert apparait comme une solution afin d’éviter d’avoir à justifier ses dérives. Les deux tendances ne sont pas incompatibles. Globalement, tous les types de crises écologiques peuvent être associés à toutes les pratiques autoritaires. Il peut s’agir de coercition ou de manipulation, de manque de ressources ou de catastrophes naturelles.
Dans un recueil de nouvelles publié chez Flatland Editeur, Paris perdus, Fabrice Schurmans examine cette question. Les récits se situent tous dans le même univers, marqué par les guerres, les mystifications et le despotisme. La France du président Maclot s’est crispée dans une société compartimentée socialement. Les privilégiés vivent dans des zones protégées par des milices et des remparts. Les plus pauvres sont cantonnés dans des espaces désœuvrés et insalubres. Les problèmes environnementaux sont à l’origines de cette situation, le pouvoir n’ayant pas d’autre choix pour y faire face. L’étiolement est détaillé comme un lent affaissement qui s’organise autour de pratiques totalitaires. La police est partout, sans elle le système ne tiendrait pas. La surveillance est généralisée et des interdits écologiques servent de prétexte à une emprise de chaque instant. Cela n’empêche pas, finalement, la nature de reprendre ses droits, puisque le régime finit par s’effondrer et laisse la place à une situation chaotique.

L’utilisation des faux-semblants, de la propagande et des diversions constitue le centre de la stratégie du pouvoir. De gigantesques parc d’attractions « réels », où des clients aisés chassent les gueux, servent d’exutoire à la haine. Il est possible de prendre l’apparence d’un autre, par exemple une célébrité, pendant un temps, jusqu’à l’absurde. Quand certaines personnes cherchent une échappatoire par le frisson en faisant de l’exploration urbaine, il apparait que celle-ci est en fait une télé-réalité. On pense à Mondwest, le film de Michael Crichton, adapté en série (Westworld) avec Anthony Hopkins. Le divertissement est un aspect essentiel du contrôle politique. Mais ces mises en scène ne résistent pas aux rapports de forces qu’elles sont censées cacher. Les bases du système finissent par le rattraper.
Aux convulsions immédiates qui caractérisent la fin d’un régime, succèdent les longs soubresauts d’un effondrement écologique finalement visible. Le politico-militaire et sa violence dissimulatrice cède la place à un monde désolé où les narrations du passé sont à peine des souvenirs. Les liens entre catastrophe et dystopie révèlent l’incapacité du politique à considérer l’avenir durablement. En ce sens, nous sommes dans une perspective inverse à celle de 1984. Un pouvoir ne peut pas devenir éternel parce qu’il ne peut jamais entièrement coïncider avec lui-même.

thématique intéressante à développer, merci.
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Je vous en prie !
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